Que penser de F.R.I.E.N.D.S en 2021 ? (Saison 2 à 6)
Il y a quelques semaines, je vous ai partagé mes réflexions sur la première saison de F.R.I.E.N.D.S suite à mon re-visionnage (qui m’avait été inspiré par le podcast A.M.I.E.S).
En tant que jeune femme trentenaire, j’ai voulu déterminer si mon regard d’aujourd’hui avait fait évoluer l’opinion que j’avais d’une série que j’ai toujours aimé voir et revoir.
Dans cet article, je vais m’attacher aux aspects que j’ai relevés dans les saisons 2 à 6.
· Quelles mauvaises surprises pendant les saisons 2 à 6 ?
Le premier que j’ai noté est le traitement grossophobe du personnage de Monica, surtout pendant son adolescence, mais pas uniquement. Ces saisons vont utiliser plusieurs flash-backs ainsi qu’un double épisode imaginant une vie parallèle à nos six héros. Dans ces passages, Monica est montrée en surpoids. Si cela n’est en soi évidemment pas un souci, mais c’est davantage l’image qu’elle renvoie qui est problématique. Dans ces scènes, Monica a TOUJOURS de la nourriture dans la main. Comme si le surpoids n’était dû qu’à une alimentation excessive. Pire, son personnage est totalement obnubilé par la nourriture et n’a aucun autre centre d’intérêt.
Avec ce type de personnage, ce sont les pires clichés qui sont perpétués. Surpoids = manger avec excès. Cela peut être le cas bien sûr, mais il y a beaucoup d’autres origines à un problème d’obésité. Et le rapport à la nourriture est beaucoup plus complexe que juste « j’aime manger des gâteaux ». Il y a souvent un malaise et une relation compliquée avec la nourriture qui renvoient à beaucoup d’autres choses que l’unique gourmandise.
De plus, même quand Monica n’est pas montrée en surpoids, son ancienne obésité et parfois son « addiction » à la nourriture est utilisée comme un running-gag (gag récurrent) à chaque saison. Par exemple : Ross mange vite parce que sans cela à l’adolescence, sa sœur ne lui laissait rien…
J’avoue que je n’ai jamais attaché trop d’importance au traitement du personnage adolescent de Monica, alors même que j’ai moi aussi des problèmes de poids. Pourtant cette fois-ci, en y prêtant attention, cela m’a sauté aux yeux. Une personne qui souffre de son surpoids peut être très blessée par ce genre de scènes où l’obésité est moquée et clairement dévalorisée.
Ce qui m’interpelle ici (au-delà de l’humour grossophobe), c’est surtout ma propre réaction. J’ai vu ces scènes des dizaines de fois et j’ai même souvent ri à des blagues que je juge grossophobes aujourd’hui. Pourtant, je n’ai pas découvert qu’elles étaient cruelles en 2021. Mais pendant ce visionnage que j’ai voulu « conscient », j’ai remarqué beaucoup plus de choses que pendant des soirées détente où je ne prêtais pas véritablement attention à ce que je regardais.
Et le problème est peut-être là. Quand on est devant une série comme F.R.I.E.N.D.S, on y cherche de la relaxation, du rire, des moments légers et sans prise de tête. Personnellement, avec ce type de sitcoms, je mets mon cerveau sur pause et je relâche juste la pression. Mais en même temps que je relâche cette pression, c’est ma vigilance que je laisse s’échapper. Je ne fais plus attention à des thématiques qui sont pourtant sensibles pour moi. Sous couvert d’humour, je ris de situations que je trouverais probablement très méchantes dans la vie réelle.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
Évidemment, F.R.I.E.N.D.S ne m’a pas rendu grossophobe, mais à force d’engranger inconsciemment ce type de messages, qui peut dire l’effet que cela a sur nous ? Ne pourrait-on pas s’imaginer que notre société, à travers des séries totalement anodines comme des sitcoms humoristiques, puisse permettre de perpétuer des stéréotypes dommageables et insultants ? F.R.I.E.N.D.S est loin d’être la seule série à véhiculer ces idées préconçues, mais j’aime à penser qu’à présent, j’y ferais plus attention.
Concernant le personnage de Monica, un élément m’a profondément dérangé et plus encore que la grossophobie. Peut-être parce que c’était la première fois que je le relevais. Toute la trajectoire de Monica est dictée par son attirance pour Chandler. Dans l’épisode de Thanksgiving de la saison 5, il lui suggère de manière anodine (et davantage pour se débarrasser d’elle) qu’elle devrait être cheffe. Monica acquiesce aussitôt. Dans le même épisode, il se moque de son surpoids et la blesse profondément. Au Thanksgiving suivant, elle est devenue mince pour se venger de lui et des années plus tard, elle a embrassé une carrière de cheffe.
Ce qui est sous-entendu ici, c’est que son apparence actuelle, jusqu’à son travail, tout a été déterminé par un homme. Non pas parce qu’il lui a imposé quelque chose, mais parce qu’elle a voulu son approbation à se conformant à ce qu’elle imaginait être son idéal. Alors oui, je sais, je vais chercher un peu loin et je suranalyse probablement les intentions des scénaristes. Mais j’ai trouvé très déroutant que toute la trajectoire du personnage de Monica soit à l’origine d’une boutade de Chandler qui la dénigrait.
Je pense que le deuxième élément qui m’a le plus dérangé dans ces saisons est le rapport des femmes au mariage. Et notamment de Monica et Rachel. Que ce soit dans l’intrigue de la saison 3 (quand Ross se marie avec Emily) ou dans la saison 6 (où Monica prépare son mariage avec Chandler), la mariée se doit d’être au centre de tout. A priori, les femmes ont toutes unanimement envie d’un énorme mariage, de dépenser beaucoup d’argent pour celui-ci et de voir leurs quatre volontés exaucées.
Alors chacune et chacun voit midi à sa porte. Et si on veut un grand mariage, chacun fait bien comme il l’entend. Mais ce côté « les filles rêvent forcément d’un gros mariage et elles ont le droit de décider de tout », j’ai trouvé ça très infantilisant pour la gente féminine. Toutes les femmes n’aspirent pas à se marier. Et puis dénier aux hommes la possibilité d’avoir le moindre choix dans les préparatifs, c’est perpétuer l’idée que « c’est un truc de filles ». Alors que non désolée, pour moi, c’est l’union de deux personnes (quels que soient leurs sexes d’ailleurs) et cela doit être un moment qui ressemble aux deux mariés.
Autre point plutôt problématique selon moi : le rapport de F.R.I.E.N.D.S avec les relations toxiques. J’en ai relevé notamment deux. La relation du frère de Phœbe avec sa prof, Alice et celle de Ross avec une de ses étudiantes. Dans les deux cas, il y a un lien de pouvoir malsain entre prof et élève.
Dans le premier, on parle quand même d’une prof qui couche avec un de ses élèves de lycée, qui l’épouse et avec qui elle a trois enfants ! Si on lisait un tel fait divers dans les journaux, qui ne serait pas profondément choqué du comportement de cette enseignante ? Ici, c’est davantage la différence d’âge entre les deux personnages qui interpellent les héros. Alors que pour ma part, c’est le seul point qui ne me dérange pas. Mais à aucun moment, le fait qu’une prof de lycée séduise son élève n’est montré comme immensément grave.
Dans la même lignée, la relation de Ross avec Elizabeth, une de ses étudiantes, n’est jamais pointée comme problématique. Alors oui, Ross est moqué pour sortir avec une « jeunette » et la direction de l’université n’autorise pas les histoires entre prof et élève, mais cela est dépeint comme une règle vieux jeu. Mais je suis désolée, entre prof et élève, il y a une relation de pouvoir qui fausse complètement les rapports. Il existe des dizaines d’exemples d’élèves qui ont succombé un jour devant un professeur, mais c’est justement à la personne pleinement adulte de résister face à d’éventuelles avances.
Ici dans les deux cas cités, on s’attache aux différences d’âge et jamais aux relations toxiques engendrées par des rapports de pouvoir malsain entre prof et élève.
Si je devais encore signaler des éléments qui m’ont déplu, je pourrais vous parler du traitement du personnage de Janice. Au-delà de sa personnalité insupportable ou de son rire mythique, c’est surtout le comportement que Chandler a vis-à-vis d’elle qui m’a agacé. Dès qu’il souffre de son célibat et ne supporte pas d’être seul, il se tourne vers elle. Sans aucun égard pour ses sentiments alors qu’elle semble sincère de son côté. Chiante, mais sincère. Il sait très bien qu’il ne l’aime pas, qu’il ne veut aucun avenir avec elle, mais il la reprend pour mieux la rejeter ensuite. Il faut quand même préciser que ses aller-retour perpétuels sont tempérés par l’intrigue de la saison 3 où pour une fois, il tombe réellement amoureux d’elle et où la relation s’inverse.
Autre élément peut-être anodin que j’ai noté : dans la saison 6 où on a droit à un double épisode sur ce qui aurait pu se passer, on découvre Phœbe en femme d’affaires carriériste. Rapidement, elle fait une crise cardiaque. Le problème, c’est que son personnage a des symptômes d’une crise cardiaque masculine ! Eh oui, les femmes n’ont pas les mêmes symptômes que les hommes quand elles font des crises cardiaques. J’imagine que les scénaristes ne le savaient pas forcément, mais tant qu’à vous faire un retour sur mon expérience, il me paraît important de le souligner. Un article ici si vous voulez en savoir plus.
Dernier petit point négatif que je n’ai pu m’empêcher de noter : le personnage de Bruce Willis (qui interprète le père d’Elizabeth, l’étudiante de Ross). Bref, en dehors du fait qu’il est le seul à se rendre compte que la relation entre Ross et sa fille n’a rien de normal, une fois qu’il s’ouvre à Rachel et lui montre ses émotions, il est immédiatement moqué. En tant qu’homme viril, il ne doit exposer qu’une quantité raisonnable de sentiments sans que cela ne porte atteinte à son image de mec fort. Il s’agit ici d’un personnage très secondaire, donc peu développé, mais j’ai trouvé dommage qu’on donne cette image des hommes qui ouvrent leur cœur.
· Quelles bonnes surprises pendant les saisons 2 à 6 ?
Je vous rassure, j’en ai quand même noté quelques-unes.
Tout d’abord, pour la première d’entre elles : le personnage de Rachel. Si dans la saison 1, elle tient plutôt de la petite fille gâtée et déconnectée des réalités, Rachel a probablement la plus belle évolution des six héros.
Au fil des saisons, elle s’émancipe, prend une réelle indépendance et obtient une brillante carrière. Professionnellement et personnellement, Rachel devient une femme sûre d’elle et décidée à travailler pour se procurer ce qu’elle veut. Alors bien sûr, elle conserve quelques travers qui permettent d’en faire un personnage plus complexe, mais dans l’ensemble, elle n’a plus rien à voir avec la jeune femme perdue qui avait déserté son mariage dans le pilote de la sitcom.
En tant que femme, j’ai été particulièrement touchée par toute sa trajectoire. Elle a été élevée avec un seul but : se marier à un homme avec une bonne situation. On ne l’a pas poussé à faire des études ou à exploiter son potentiel. Ses parents ont tenté de reproduire le schéma qui a été le leur sans chercher plus loin. Mais Rachel a refusé de rentrer dans le moule et a brisé les codes qui étaient les siens.
Alors qu’elle n’avait pas la moindre expérience ou compétence requise, elle a effectué pendant des années un travail alimentaire qui ne l’intéressait pas parce qu’elle voulait gagner sa vie. Puis, elle a décidé de sauter sur une opportunité professionnelle pour se construire une carrière qui lui correspondrait davantage. Même dans sa vie sentimentale, parfois chaotique, elle se lance dans chaque relation avec détermination. Mais pour autant, elle a développé une vraie capacité à se faire entendre et à assumer ses choix.
Bref, au-delà de la coupe de cheveux iconique, de son sens de la mode ou du charme réel de Jennifer Aniston, Rachel est surtout une jeune femme courageuse, indépendante et dans l’ensemble une véritable figure féministe.
Et on peut également le voir dans sa relation avec Ross. Au-delà de la première période de leur histoire qui est toute rose, il arrive rapidement un moment où les problèmes entre eux s’accumulent. Notamment à cause du comportement jaloux et toxique de Ross. Il ne supporte pas que Rachel lui échappe à travers une carrière qui l’épanouit et qui n’appartient qu’à elle. Lors de leurs disputes, j’ai trouvé le discours de Rachel très féministe. Elle veut un travail qui lui plaise, que sa vie ne tourne pas uniquement autour de son mec. Elle ne souhaite pas tout partager avec lui, mais au contraire, garder un espace pour elle.
Et si la réaction de Ross est infantile et complètement à côté de ses pompes, cela n’est pas grave parce que clairement dans les différents épisodes où ils se déchirent, c’est le comportement de Ross qui est pointé du doigt. Il n’apparaît pas comme un petit-ami attentionné et gentil et Rachel en méchante copine insensible. Non, il est montré tel qu’il est : un mec maladivement jaloux de ne pas pouvoir contrôler toute la vie de sa compagne et qui réagit de manière totalement disproportionnée et irrespectueuse.
Pour vous donner un contre-exemple, on peut parler de M. Big dans Sex and The City qui utilise Carrie pendant quasiment toute la série et qui pourtant est dépeint comme le mec ultime à conquérir et le grand amour de l’héroïne.
Ross est aussi le grand amour de Rachel, mais à chaque fois que son comportement ne sera pas correct, il se ramassera et devra reconnaître ses torts. Il ne sort pas vainqueur de ses affrontements. Son attitude n’est pas valorisée et on montre au téléspectateur qu’agir ainsi est quelque chose de mal.
Dans mes points négatifs, j’avais noté à plusieurs reprises des blagues sexistes. Comme je l’avais indiqué dans la saison 1, les personnages masculins ont beaucoup de difficultés à assumer leur part de féminité et ont systématiquement besoin de se la jouer macho. Pourtant je vais nuancer le propos que je tenais dans le dernier article. Certes, il y a moult blagues sexistes dans ses saisons de F.R.I.E.N.D.S, mais une fois que j’ai fait le constat qu’elles n’étaient pas valorisées, j’ai pu davantage les apprécier. Je m’explique. Chandler et Ross sont les deux personnages masculins qui ont le plus de mal avec tout amalgame féminin ou homosexuel. Ils sont donc ceux qui en rajoutent le plus avec les grosses blagues bien lourdes. Mais au final, leur comportement n’est pas mis en valeur. Comme pour Ross avec Rachel, les deux garçons sont représentés comme deux hommes échouant à avoir une vie sentimentale épanouissante. Ils sont parfois sexistes, oui. Mais ils sont seuls. Grâce à sa relation avec Monica, cela évoluera pour Chandler. J’ai d’ailleurs trouvé que le personnage en devenait moins grinçant vis-à-vis des femmes. Même si tout n’est pas parfait, il faut souligner le parti-pris que prennent les scénaristes. Des blagues sexistes certes, mais les dindons de la farce, ce sont le plus souvent ceux qui les font !
Pour revenir sur la relation entre Chandler et Monica, je dois vous avouer que je l’ai redécouverte. Alors ils ont toujours été mon couple préféré, mais ce sentiment n’a fait que grandir avec ce nouveau visionnage. A contrario de Ross et Rachel qui sont dans le drame perpétuel et les multiples ruptures/réconciliations, Chandler et Monica gardent le cap jusqu’au bout. Ils apparaissent comme une vraie équipe où chacun existe par lui-même. Il y a bien quelques moments plus problématiques (on l’a vu avec l’attitude de Monica pendant ses préparatifs de mariage), mais dans l’immense majorité de leur relation, ils communiquent, ils s’expliquent et se soutiennent.
Le point d’orgue de leur histoire dans ses saisons est sûrement la demande en mariage qui est effectuée d’abord par Monica, la première à se mettre à genoux, pour ensuite être rejointe par Chandler. Alors, mes connaissances en matière de série sont trop incertaines pour m’aventurer à affirmer que c’était la première fois qu’on voyait une femme demander en mariage son petit-ami, mais je pense réellement que vu l’ampleur de F.R.I.E.N.D.S et grâce à cette scène, bon nombre de femmes se sont senties légitimes à demander elle aussi leur conjoint en mariage et à renverser les traditions.
Bref, le but de ces articles n’est pas de réécrire l’histoire en réinventant F.R.I.E.N.D.S ou en donnant à une série de plus de vingt ans un impact propre au XXIe siècle. Mais il est bon, je pense, de s’interroger sur des séries ou des films qu’on connait par cœur et qu’on n’envisagerait jamais de remettre en question.
J’aime toujours autant F.R.I.E.N.D.S mais cela ne m’empêche pas d’avoir conscience de ses défauts et d’affiner toujours davantage mes opinions et mes goûts !
Et vous, que pensez-vous de F.R.I.E.N.D.S à l’heure d’aujourd’hui ? La regardez-vous toujours avec plaisir ? Ou au contraire, vous déplait-elle désormais ?
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