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UNE NOUVELLE INÉDITE
DANS L'UNIVERS DE

PROMIS, JE CHOISIS D'ÊTRE HEUREUSE

- Un chauffeur déjà séduit -

La fin d’après-midi s’installait. Dans la rue, la lumière commençait à décliner. D’un pas alerte, Léonard se dirigea vers son salon de thé préféré. Tenu par l’adorable Marion, l’établissement avait le bon goût de le fournir en café de haute volée.

Et en pâtisseries meilleures encore.

Il aurait aussi pu se servir de la Nespresso située à quelques mètres à peine de son bureau, mais il avait un peu de temps devant lui avant son dernier rendez-vous de la journée. L’envie de faire une pause le titillait depuis un moment et après être resté assis des heures derrière son ordinateur, il avait bien besoin de se dégourdir les jambes. D’autant que cette petite excursion lui permettrait de passer devant la boutique de sa fleuriste préférée : Sophie. Le salon de thé et le magasin de fleurs étaient voisins et il pourrait faire d’une pierre deux coups.

Lorsqu’il longea la vitrine où s’étalaient les seaux de roses et toute une cargaison de plantes, il s’efforça de ne pas ralentir. Il jeta juste un rapide coup d’œil pour tenter d’apercevoir la femme de ses pensées. Occupée à son ordinateur, elle lui tournait le dos.

Tant mieux parce qu’elle allait vraiment finir par croire qu’il l’espionnait…

Ce qui n’était pas le cas. Du moins pas vraiment. Il n’en était pas au stade du type glauque qui se cachait derrière un de ses pots de buis pour la reluquer en douce.

Pas encore. À ce moment-là, promis, il irait consulter !

Mais depuis plusieurs mois, il devait reconnaître que ses détours s’étaient faits plus fréquents. Il aurait pu prendre un chemin beaucoup plus direct pour arriver jusqu’au salon de thé de Marion afin de récupérer sa ration de caféine quotidienne. Mais cela l’aurait empêché de pouvoir regarder sa charmante fleuriste l’espace de quelques secondes.

Et c’était sans compter les dizaines de visites qu’il avait fait à la boutique depuis un an pour commander un nombre incalculable de bouquets. La plupart à l’attention des clientes de son cabinet d’avocats, ce qu’elle ignorait. Et quand il n’avait eu aucune cliente à remercier, il s’était rabattu de temps en temps sur sa mère et ses trois sœurs. Tous les prétextes étaient bons pour qu’il puisse passer la porte du magasin et pouvoir croiser le regard vert et souvent furibond de sa fleuriste.

Quand presque un an plus tôt, il avait craqué sur le caractère parfois emporté de la jolie Sophie, il avait vite compris qu’à moins d’un moyen détourné, il n’arriverait jamais à l’approcher. Ils évoluaient toute la journée dans le même quartier et il avait été témoin plus d’une fois de sa capacité à doucher les expectatives de n’importe quel homme qui essayait de la draguer.

En devenant un de ses meilleurs clients, il avait voulu être plus malin. Sauf qu’en s’efforçant de lui faire du charme, il avait tellement mal calculé son coup qu’il se trouvait maintenant pris à son propre piège. Entre ses tentatives avortées de flirt et ses commandes répétées de bouquet, Sophie en était arrivée à l’évidente conclusion qu’il n’était rien de plus qu’un coureur de jupons. Il essayait depuis de rattraper les choses (notamment en rationnant ses clientes en fleurs), mais il fallait avouer que Sophie se montrait plus que récalcitrante à l’idée de faire sa connaissance.

D’autant qu’il n’aimait rien de plus que la taquiner…

Pourtant depuis quelques semaines, pour sa plus grande joie, il sentait opérer un changement. Sans même que cela soit un calcul de sa part, ils se croisaient de plus en plus souvent et elle commençait tout juste à envisager qu’il soit un être humain un tant soit peu décent. Le fait que Marion, une de ses plus proches amies, ait ouvert le salon de thé le plus délicieux à des kilomètres à la ronde avait évidemment bien servi ses projets.

Même s’il aurait été prêt à avaler de l’eau de vaisselle pour avoir l’opportunité de la voir quotidiennement.

Il espérait juste qu’elle parviendrait à le considérer autrement que comme un salaud sans cœur qui enchaînait les conquêtes.

Il poussa la porte du succulent café, faisant tinter la clochette accrochée au-dessus. Quelques clients étaient disséminés un peu partout dans la pièce, mais il avait de la chance, personne n’attendait d’être servi. Marion, la taille serrée par son éternel tablier à fleurs, s’agitait derrière son comptoir, son téléphone coincé contre son oreille.

— Désolée de te déranger frangin, dit-elle avec un plateau en équilibre sur une main, mais par hasard tu ne serais pas dispo pour un rapide aller-retour dans le sud ce week-end ?

Sans prêter réellement attention à sa conversation, Léonard patienta.

— Non, non, ce n’est pas pour moi, c’est pour Sophie !

Aussitôt, le jeune homme tendit l’oreille.

— Elle s’est fait une entorse au poignet et elle doit absolument se rendre dans le Var pour rencontrer des producteurs de fleurs écoresponsables. Et comme elle ne peut pas conduire avec son poignet, elle a besoin d’un chauffeur. Je ne peux pas fermer ma boutique et Benoît est à New York pour quelques jours… Alors, je me suis dit que peut-être…

Marion écouta la réponse de son frère et très vite, une grimace embêtée se peignit sur son visage. Sentant une idée poindre dans son esprit, Léonard resta sagement à sa place.

— Ah mince, j’avais complètement oublié que vous alliez dans la maison de papa et maman ce week-end… Oui, ça tombe mal. Faut que je raccroche, mais merci quand même. Bonjour aux parents de Rachel et un gros bisou à Simone. Salut mon frère, je t’aime.

Marion termina son appel et pesta dans son coin. Elle avait l’air sincèrement ennuyée de ne pas avoir trouvé une solution pour son amie. Elle finit par remarquer sa présence et s’efforça de reprendre une certaine contenance.

— Bonjour Léonard, la même chose que d’habitude ?

— Oui, s’il vous plaît.

Il regarda Marion préparer son grand café noir à emporter. Ses gestes avaient la force de l’habitude. C’était à peine si elle prêtait attention à ce qu’elle faisait. Ne voulait pas laisser passer cette occasion, Léonard s’éclaircit la gorge.

— Excusez-moi, mais mes oreilles n’ont pas pu s’empêcher d’écouter votre conversation. Notre chère fleuriste aurait besoin d’un chauffeur, c’est bien ça ?

Marion ne tarda pas à lui sourire largement.

— Oui, pourquoi ? Le job vous intéresse ?

— Ça se pourrait…, répondit doucement Léonard.

Il pourrait repasser pour la subtilité, mais un week-end en tête à tête avec la femme qui occupait ses pensées depuis un an…

Ça ne se refusait pas !

 

***

Évidemment, Sophie n’avait pas sauté au plafond.

Le contraire l’aurait étonné…

Posté devant la vitrine de sa boutique en attendant que Marion lui annonce sa solution miracle, Léonard l’observait, un sourire amusé aux lèvres. Un air horrifié en travers du visage, Sophie s’agitait dans tous les sens en faisant des grands non de la tête. De là où il était, il pouvait voir que Marion faisait de son mieux pour la rassurer, mais il allait devoir s’en mêler s’il ne voulait pas que son plan capote…

Alors qu’elle tournait le dos à l’entrée, il les rejoignit en toute discrétion.

— Ne dis pas de bêtises. En plus, il a une voiture super confortable…, amorça Marion pour l’amadouer.

— Oh génial, je vais devoir rester assise à côté de lui pendant des heures, mais au moins, mes fesses seront sur un siège chauffant !

Cette image n’allait pas le lâcher…

— Et tu pourras même renverser le siège en position allongée si ça te tente. Très pratique…, dit-il d’une voix suave.

Elle fit volteface, au comble de l’agacement. Maintenant qu’ils étaient face à face, il allait devoir faire de son mieux pour ne pas se laisser déconcentrer par son regard vert perçant et les dizaines de taches de rousseur qui parcouraient son visage.

— Ah parce qu’on se tutoie maintenant ? lui lança-t-elle, contrariée.

— De quoi as-tu peur ? Que je sois un chauffard ou qu’à force d’être enfermé avec moi dans une voiture, tu finisses par m’apprécier ?

Leurs yeux ne se lâchaient pas. Les bras croisés sur sa poitrine, il aurait pu parier qu’elle cherchait la meilleure punchline à lui balancer.

— Franchement ? Il y a plus de chances que je me mette à remanger de la viande que j’en vienne à vous apprécier…

Hum, pas mal !

Elle recommençait à ouvrir la bouche, mais son jeune apprenti, un dénommé Charly, l’entraîna dans l’arrière-boutique.

Hey, où partaient-ils tous les deux ?!

— Charly, arrête ! l’entendit-il râler de loin.

Il pouvait voir que son apprenti essayait lui aussi de convaincre Sophie qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’accepter sa proposition. L’expression furibonde, elle le fusillait du regard, ce qui amusait Léonard au plus haut point.

Si elle avait pu savoir que plus elle était énervée, plus il la trouvait craquante…

Ne pouvant résister à la tentation, il lui fit coucou, ce qui eut évidemment pour effet de l’agacer davantage. Les yeux au ciel, elle finit par revenir vers lui bon gré mal gré.

— Okay, j’accepte de partir avec vous, soupira-telle. Mais on prend ma voiture !

Euh… on parlait bien de la même ?

— La camionnette vert fluo qui n’a sûrement pas passé un contrôle technique depuis dix ans ?

— Vert pomme, rectifia-t-elle d’une voix cassante. Et elle est en parfait état de marche.

Dubitatif, Léonard laissa un long blanc s’écouler.

— Je vais faire semblant de vous croire sur ce coup-là. Mais il y a un autre problème…

— Lequel ?

— Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il y a assez peu de chance que je rentre dans votre voiture. Alors quant à la conduire pendant des heures…

Le regard de Sophie le parcourut de bas en haut et il lui fallut toute sa volonté pour ne pas réagir à la lueur d’intérêt qu’il pensa voir apparaître dans ses prunelles.

— Bon, très bien, on prend votre voiture, laissa-t-elle tomber, vaincue.

— C’est un vrai plaisir de te rendre service… Et vu qu’on va passer un moment ensemble, tu peux même m’appeler Léo si tu veux, sourit-il avec espièglerie.

Elle était sur le point de lui sauter au cou quand Charly s’approcha d’elle pour un conciliabule qu’ils étaient les seuls à entendre. Il perçut juste la fin de l’échange.

— Charly ?

— Hum ?

— La ferme.

Ainsi donc, elle ne réservait pas ses amabilités à son unique plaisir ?

C’était bon à savoir !

 

***

 

Ils partirent de Paris peu après le déjeuner. Il était venu la chercher dans sa rutilante Tesla dont il prenait grand soin.

Ce dont Sophie s’était ouvertement moquée…

Quant à Riley, son affectueux quoiqu’un poil encombrant Golden retriever, il était évidemment du voyage.

Lors de la première heure de route, ils avaient bien commencé par se taquiner un peu, mais l’ambiance avait fini par s’apaiser. Un silence serein s’était installé depuis une demi-heure, interrompu seulement par quelques haussements de sourcils de Léonard. La playlist de Sophie valait le détour…

Sérieusement, elle connaissait autre chose que des comédies musicales ?

De Grease à Chantons sous la Pluie en passant par Starmania et Les Demoiselles de Rochefort, elle lui avait à peu près tout passé. Quand la chanson Le temps des cathédrales commença à envahir ses haut-parleurs, il appuya sur Pause en vitesse.

— Il n’est pas censé y avoir une règle comme quoi c’est celui qui conduit qui choisit la musique ? demanda-t-il avec un vague espoir de voir s’arrêter son supplice auditif.

— Jamais entendu parler ! lâcha-t-elle calmement en rappuyant sur Lecture.

Du coin de l’œil, il la surprit en train de sourire avec malice.

— Quoi… ? se méfia-t-il.

— Rien…

— Je te préviens si tu te lances dans l’intégrale des comédies musicales de Matt Pokora, je saute en marche !

Elle rit doucement et secoua la tête.

— Non hélas, j’étais déjà trop âgée quand c’est sorti. Mais par contre, je garde Mamma Mia en stock pour le voyage de demain, dit-elle avec une gaieté beaucoup trop prononcée.

Horrifié devant son prochain calvaire, il eut un frisson de dégoût qui la fit s’esclaffer à nouveau. Heureux de la voir se détendre en sa compagnie, Léonard n’oserait jamais lui avouer qu’il aurait pu écouter Roméo & Juliette en boucle si ça lui permettait d’être aussi souriante.

 

En tout début de soirée, ils arrivèrent enfin à Beaune, où ils faisaient étape pour la nuit. Au cours du trajet, rouge comme une tomate, Sophie lui avait confessé qu’elle n’avait pas réussi à lui réserver une chambre d’hôtel. La ville accueillait ce week-end-là la Vente des Vins et plus rien n’était disponible. Ils devraient donc partager la chambre qu’elle avait retenue, plusieurs semaines auparavant quand elle pensait encore faire ce voyage en solo.

Léonard était partant pour toute opportunité lui permettant de se rapprocher de sa charmante quoique distante fleuriste. Pour autant, à la perspective d’être dans le même lit qu’elle, il commençait lui aussi à paniquer… Il redoutait que cette intimité forcée ne la fasse définitivement se renfermer sur elle-même.

 

Une fois la chambre récupérée, il s’installa avec précaution sur une causeuse pour éviter de se trouver dans les jambes de Sophie pendant qu’elle inspectait la pièce. Il remarqua les coups d’œil fréquents qu’elle jetait au lit. À sa décharge, celui-ci était minuscule et il ne voyait pas comment ils allaient pouvoir le partager sans se toucher.

Ou sans que l’un ne finisse par se vautrer au sol…

Mais contrairement à ce qu’elle pensait, Léonard avait été élevé avec quelques notions de galanterie. Il lui laisserait donc le lit et lui dormirait par terre. Cela l’aiderait peut-être à réaliser qu’il n’était pas un immense goujat.

Après tout, l’espoir faisait vivre !

— Qu’avais-tu prévu pour ce soir ?

 

Elle se détourna du lit.

Comme si cela allait le faire disparaître…

— Je pensais me balader dans la ville et trouver un petit resto sympa.

— Vendu ! lança-t-il en s’extrayant du fauteuil.

Pour lui non plus, la situation n’était pas des plus confortables. Se retrouver dans cette pièce minuscule avec un lit qui trônait au beau milieu. C’était un rappel un peu trop précis du tournant qu’il aimerait donner à leur relation.

En l’état actuel des choses, il y avait plus de chance qu’elle l’étrange dans son sommeil qu’elle ne lui saute dessus… !

 

Aussi résolus l’un que l’autre à faire durer la soirée au maximum, ils déambulèrent dans les jolies rues piétonnes de la ville bourguignonne, s’attardant devant chaque carte de restaurant pour mieux retarder l’instant où ils seraient face à face. Après avoir arpenté chaque ruelle, ils finirent par porter leur choix sur une petite gargote charmante où la gérante les accueillit avec chaleur. Léonard en fut le premier surpris, mais ils vécurent tous deux un agréable moment. L’agressivité avait déserté leurs échanges et il aurait presque pu parier qu’elle avait passé une bonne soirée en sa compagnie.

 

De retour à l’hôtel pourtant, la tension se fraya un chemin. Pendant que leurs pas les guidaient jusqu’à la chambre qu’ils allaient devoir partager, Sophie se renferma à mesure qu’ils approchaient de la porte. De souriante et charmante, elle était devenue mutique et distante.

Une fois le seuil de la pièce franchie, il n’y eut guère que son chien Riley pour être détendu. Il s’allongea dans un coin, déjà prêt à commencer sa nuit alors qu’il avait dormi pendant la majorité de leur trajet. Aussi peu dissert que Sophie, Léonard prépara les affaires de son chien afin qu’il puisse boire ou manger. Une fois qu’il n’eut plus rien à faire, il lui jeta un coup d’œil. Elle se tenait figée à côté du lit.

Il n’imaginait même pas les films qu’elle devait être en train de se faire…

La situation n’allant pas s’arranger toute seule, il se devait de briser la glace.

— Tu comptes bouger à nouveau un jour ou je dois considérer que tu es définitivement coincée ?

Elle lui lança un regard furieux qui étonnement le rassura.

Au moins, il était en terrain connu !

Retrouvant sa taquinerie habituelle, il s’approcha d’elle et la toucha du bout du doigt.

Histoire de vérifier son immobilité, rien de plus !

D’un bond, elle s’éloigna de lui.

— Là, je bouge. Tu es content ?

— Je suis ravi, tu veux dire. En plus, tu viens de libérer le côté gauche du lit et c’est toujours là que je dors, lança-t-il en rejoignant le matelas, les bras croisés sur sa nuque.

Sans un mot, Sophie se précipita dans la salle de bains, le diable aux trousses. Quand il entendit le verrou de se tourner, il fronça les sourcils.

Elle ne craignait quand même pas réellement qu’il lui saute dessus ?

Il fallait reconnaître qu’à leur époque, une femme se devait d’être prudente. Après tout, ils se connaissaient peu tous les deux. En tant qu’homme, Léonard ne s’était pas rendu compte de la peur qu’une cohabitation forcée pouvait engendrer chez elle.

Alors qu’il l’entendait se préparer pour la nuit, il sortit du lit. Dans l’armoire, il attrapa un oreiller et une couverture qu’il installa par terre avant de s’allonger à même le sol. Sa couchette n’était pas des plus confortables, mais si cela pouvait rassurer un peu Sophie à l’idée qu’il tente une approche, le prix n’était pas cher payé.

Il se doutait qu’elle n’aurait aucune envie de parler alors il ouvrit sur son téléphone le premier article de presse un tant soit peu intéressant et commença sa lecture. Quand Sophie le rejoignit, elle faillit lui trébucher dessus. Il sentit son instant d’arrêt en le découvrant par terre, mais ne pipa mot. De son côté, il essayait surtout de ne pas faire attention à la longueur ridicule du short de son pyjama.

Peine perdue évidemment !

—  La salle de bains est libre ? lui demanda-t-il.

—  Oui, oui…, murmura-t-elle.

Il fit de son mieux pour se convaincre qu’il ne prenait pas la fuite. Mais il avait rarement été aussi soulagé que quand il vit la porte de la minuscule salle de bains se fermer derrière lui.

Cette chambre était définitivement trop petite pour eux deux…

Il fit durer le temps qu’il passa dans la pièce d’eau. Vêtu d’un vieux tee-shirt et d’un pantalon de jogging, il était fin prêt pour une nuit blanche à quelques mètres de la femme qui occupait son esprit depuis des mois.

C’était vraiment parfait ! Bravo Léonard pour ce plan de haut vol !

De nouveau dans la chambre, il rangea quelques affaires. Il n’avait aucune hâte de rejoindre la moquette.

— Ce n’est pas nécessaire que tu dormes par terre… entendit-il.

Incertain sur ce qu’elle attendait de lui, il la regarda durant quelques secondes.

— J’avais comme l’impression que l’idée qu’on dorme côte à côte ne t’enchantait pas vraiment.

— Ce n’est pas pour ça que je veux que tu te casses le dos, répondit-elle du tac au tac.

— Si je m’allonge, tu ne vas pas essayer de m’étouffer dans mon sommeil, au prétexte que mon genou aurait frôlé ta jambe ?

— Probablement pas. Mais dans le doute, garde tes jambes de ton côté.

Il n’allait pas se le faire dire deux fois !

 

Sans attendre, il reprit sa place sous la couette. Dans sa précipitation, son pied rencontra par inadvertance la jambe de sa compagne de nuitée. Leurs peaux s’étaient à peine touchées qu’elle avait déjà bondi à l’autre bout du lit, au risque d’en tomber par terre.

Elle était vraiment okay à l’idée de dormir à lui ?

Ça ne sautait pas aux yeux en tout cas !

— Tout va bien ? ne put-il s’empêcher de demander.

Elle faisait de son mieux pour ne pas croiser son regard et le maintenait braqué devant elle. Droite comme un i, elle ne bougeait pas d’un pouce.

— Ça va parfaitement, grommela-t-elle.

D’un coup, elle lui tourna le dos, s’emmitouflant sous l’édredon. Le signal ne pouvait être plus clair. Elle n’avait pas l’intention de lui adresser un mot supplémentaire. Ils avaient beau à être à quelques centimètres l’un de l’autre, un immense fossé aurait aussi bien pu se glisser entre eux. Sans parvenir à se raisonner, il chercha une nouvelle fois à créer un lien avec elle.

— Bonne nuit Sophie.

— Hum… bonne nuit.

Il y avait peu de chance que celle-ci le soit. Avec Sophie à quelques centimètres de lui, il ne voyait pas comment il allait pouvoir fermer l’œil.

 

Pourtant la voiture avait dû le fatiguer plus qu’il ne le pensait. Il sombra sans effort dans un profond sommeil. Mais au beau milieu de la nuit, il sentit un petit corps chaud blotti contre lui. Quand son cerveau percuta qu’il n’était pas en train de rêver, le sommeil le déserta tout à fait. Il ne savait pas trop si c’était elle qui s’était rapprochée ou lui qui l’avait rejointe.

Le résultat était le même !

Elle s’était recroquevillée contre son torse et lui l’entourait de son bras. Heureusement qu’elle dormait profondément, elle aurait été capable de l’anéantir… Attendri, il observa son visage paisible tourné vers lui. Une fois qu’elle baissait sa garde, elle n’avait plus cette expression d’agacement perpétuel. Ses traits se détendaient, la ride du Lion qu’elle arborait en permanence en sa présence s’envolait.

À croire que sa mère avait raison…

Il était vraiment un sale gosse !

Elle avait presque l’air fragile pelotonnée ainsi. Depuis le début, Léonard était persuadé que la distance qu’elle mettait dans ses rapports humains n’était qu’une façade. Il suffisait de voir l’affection dont elle faisait preuve avec ses colocs. Au fond d’elle, il en aurait mis sa main au feu, elle était un cœur tendre… Il ne connaissait évidemment pas les évènements qui l’avaient amenée à se méfier de la gent masculine dans son ensemble, mais l’homme qui saurait la mettre en confiance, serait un homme chanceux.

Il espérait juste qu’il serait cet homme-là !

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