Un livre pour la comprendre...
Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan, Ed. Le livre de Poche ou JC Lattès
Raconter la vie de sa mère, son enfance, sa descente aux enfers, parce qu'elle "avait besoin d'écrire et ne pouvais rien écrire d'autre, rien d'autre que ça."
C'est ce besoin qu'a ressenti Delphine de Vigan lorsqu'elle découvre sa mère après son suicide.
(Oui, l'article qui suit ne va pas franchement faire marcher tes zygomatiques).
L'auteure nous fait partager une des choses les plus intimes qui soit : l'enfance. Pas seulement la sienne, mais aussi celle de sa mère, de tous ses oncles et tantes. Une enfance digne d'une épopée la plus sombre.
Alors ce livre est-il bouleversant parce qu'il s'agit d'une histoire vraie ?
Sûrement. L'histoire tragique de cette famille aux nombreux malheurs n'en est que plus poignante. Mais au delà de cette histoire, c'est l'auteure qui, personnellement, m'a bouleversée. Elle écrit avec son cœur, son âme, ses tripes. Elle nous livre tout sans retenue, même si elle exprime beaucoup de pudeur dans le choix de ses mots.
Pour ma part, je n'ai pu le lire d'une traite. Il était trop fort émotionnellement pour qu'il soit lu tranquillement, avachie sur mon canapé, avec "L'amour est dans le pré" en fond sonore...
Et compte tenu de ce qu'elle révèle, il lui a fallu un courage énorme pour publier ce roman. Dévoiler ces secrets familiaux enfouis, c'était s'exposer au jugement de sa famille. Pourtant, elle devait le faire, quelque soit les conséquences.
Heureusement pour nous (et peut être surtout pour elle), Delphine de Vigan a écrit ce roman, comme un exécutoire à sa douleur de femme, de fille et d'enfant.
L'histoire de cette maman, Lucile, dont l'enfance a été un succession de cataclysmes nous ait livré pour permettre à l'auteure d'appréhender cette nouvelle étape de sa vie, sans cette mère dépressive, pleine de blessures intérieures.
En tant qu'écrivain, son refuge a bien évidemment été l'écriture, comme rempart à sa douleur.
"J'écris Lucile avec mes yeux d'enfant grandie trop vite, j'écris ce mystère qu'elle a toujours été pour moi."
Une histoire horrible et dure d'un bout à l'autre mais racontée avec beaucoup d'amour.
La critique de Lucile en tant que mère est sans appel, mais l'amour de sa fille transparaît à chaque page, chaque anecdote, au même titre que sa légitime colère d'adolescente.
Sans doute avais-je envie d'offrir à Lucile un cercueil de papier car, de tous, ce sont les plus beaux et un destin de personnage.
Mais je sais aussi qu'à travers l'écriture, je cherche l'origine de sa souffrance, comme s'il existait un moment précis où le noyau de sa personne eût été entamé d'une manière définitive et irréparable et je ne peux ignorer combien cette quête non contente d'être difficile est vaine. C'est ainsi que j'ai interrogé ses frères et sœurs sans relâche. Sans poser jamais cette question à laquelle ils ont pourtant répondu : est-ce que la souffrance était déjà là ?
Le passage où est raconté la découverte de sa mère est pour moi le moment le plus fort. Le détachement (apparent) dont elle fait preuve dans la narration jusque là, disparaît totalement quand vient le moment de raconter ce moment tragique. On ressent totalement ses émotions, ses sensations. En tant que lecteur, nous sommes là avec elle, dans cette chambre, avec l'émotion qui nous prend à la gorge. A ce moment là, ce n'est plus l'écrivain qui nous raconte une histoire, c'est une fille qui découvre l'impensable.
Dans ce roman, le talent de Delphine de Vigan transpire à chaque page. Elle est une héroïne des temps modernes. Malgré cet héritage lourd et compliqué, elle est parvenue à se construire et à transcender sa douleur pour nous livrer ce roman magnifique et bouleversant.
Alors surtout, ne passez pas votre chemin, lisez-le.
Vraiment. Faites-le.
"Je sais bien que ça va vous faire de la peine mais c'est inéluctable à plus ou moins de temps et je préfère mourir vivante." Lucile
Note : 5/5